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Pérou : les Huari utilisaient-ils de la bière aux psychédéliques comme soft power ?

Les Huari consolidaient-ils leurs liens politiques et sociaux avec des breuvages mélangés à des psychédéliques ? C’est ce que suggère une nouvelle étude publiée dans La Revista de Arqueología Americana. S’appuyant sur des découvertes archéologiques, cette recherche avance que le peuple pré-inca avait pour habitude de mélanger des substances hallucinogènes à la bière lors de cérémonies destinées à consolider son pouvoir et renforcer la cohésion sociale.

C’est connu de tous, la boisson rend jovial, ouvert et sociable. Et peut pousser à accepter des choses plus facilement. Ce que confirme une nouvelle étude publiée dans La Revista de Arqueología Americana le dimanche 12 octobre. Selon cette recherche, les Huari, un peuple ayant existé avant l’empire inca, utilisaient une bière psychédélique – une bière mélangée à des agents hallucinogènes – pour renforcer les liens politiques et sociaux. Ce breuvage était aussi un outil délibéré de diplomatie politique , aidant les Huari à courtiser les étrangers et à renforcer l’allégeance sur de nouveaux territoires.

L’empire Huari s’agrandissait grâce aux conquêtes, aux alliances militaires, aux pactes, mais aussi à la bière aux hallucinogènes

Les Huari, parfois orthographiés Wari, sont un peuple pré-inca qui a prospéré entre 500 et 1200 apr. J.-C. Basée dans la région des Andes centrales, principalement sur le territoire de l’actuel Pérou, cette civilisation intégrait des cultures disparates à travers toutes les Andes du sud. Elle a établi l’une des premières organisations politiques étatiques de la région andine. Les Wari ont étendu leur territoire grâce aux conquêtes militaires, à des alliances et pactes avec des groupes régionaux dominants, comme ceux de la vallée de Nazca. Mais les historiens les soupçonnent de plus en plus d’avoir utilisé des breuvages avec des psychédéliques comme outil de soft power.

Un mélange de graines de vilca et de faux-poivrier

Dans l’étude publiée dans La Revista de Arqueología Americana, les archéologues notent que dans cet empire en expansion, « où la violence et l’animosité étaient monnaie courante », les breuvages mélangés avec des psychédéliques ont sans doute servi à maintenir et renforcer des liens politiques et sociaux, mis à mal par la distance. La boisson en question, appelée vilca, serait un mélange de baies du Schinus molle, ou faux-poivrier, servant à produire de la bière, et des graines de l’arbre vilca, aussi connu sous le nom scientifique d’Anadenanthera colubrina. Ces graines contiennent une substance psychotrope appelée bufoténine.

Les élites Huari auraient eu tendance à servir cette boisson psychoactive lors de festins spéciaux 

Les chercheurs ont découvert des restes archéologiques de graines de vilca à proximité de traces de production de bière, sur le site de Quilcapampa en particulier. Ils ont également mis au jour des poteries, des restes botaniques et des pipes associées à l’utilisation du breuvage. Les élites Huari auraient eu tendance à servir cette boisson psychoactive lors de festins spéciaux célébrés dans des patios intérieurs ou des espaces clos de résidences de dirigeants. Une fois consommée en commun lors de grandes fêtes, cette bière pouvait altérer l’état des convives pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Elle favorisait l’empathie, le lien social, la confiance et la mémoire collective. Ce qui facilitait l’intégration de nouvelles communautés, réduisait la résistance et légitimait l’autorité Wari en termes sociaux et politiques.

Cette théorie nous invite à revoir nos connaissances sur les sociétés anciennes et leurs rituels 

L’hypothèse selon laquelle les Huari utilisaient la bière hallucinogène comme outil de diplomatie et de cohésion sociale est plutôt audacieuse et profondément intrigante. Mais elle reste spéculative pour certains chercheurs. Qu’elle s’avère finalement exacte ou non, cette théorie nous invite au moins à revoir nos connaissances sur les rituels des sociétés anciennes, spécialement précolombiennes, ainsi que le rapport entre ivresse et pouvoir. Il faudra néanmoins l’étayer par des travaux chimiques et archéologiques supplémentaires.

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