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Pérou : découverte d’une salle pour sniffer, vieille de 3 000 ans

Pérou : découverte d’une salle pour sniffer vieille de 3 000 ans

A Chavín de Huántar, au Pérou, une équipe d’archéologues a découvert un ensemble exceptionnel de tubes à priser datant de 3 000 ans. Ces artefacts, utilisés dans le cadre de rituels, contiennent des substances hallucinogènes. Selon les chercheurs, seule une élite dirigeante avait accès à cet espace pour asseoir son pouvoir sur le peuple.

Sur le site de Chavín de Huántar, au Pérou, une équipe de chercheurs de l’Université de Floride, de Stanford, du CONICET (Argentine) et de plusieurs institutions sud-américaines a récemment fait la découverte d’une salle de « shoot », contenant des instruments qui servent à inhaler des plantes hallucinogènes. Dans leur étude publiée dans PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences) le 5 mai, ces scientifiques révèlent comment l’élite religieuse de la cité andine se servait autrefois de ces drogues pour asseoir son pouvoir.

Entre 1200 av. J.-C. et 400 av. J.-C

Cette étude indique que dans la région d’Áncash (nord du Pérou), entre 1200 av. J.-C. et 400 av. J.-C., différents peuples andins se rassemblaient à 3 200 mètres d’altitude autour d’un culte commun. Mais qu’à Chavín de Huántar, haut lieu de pèlerinage, certains traversaient des temples en pierres et des structures souterraines pour rejoindre des pièces intérieures appelées galeries. Là-bas, ils fumaient des substances psychoactives pour stimuler la pratique religieuse.

Une équipe de scientifiques à la recherche de traces archéologiques au Pérou 

Rouverte en 2017, lors de fouilles archéologiques, l’une de ces pièces aurait été scellée vers 500 av. J.-C, probablement à cause d’un changement de pratiques ou par une volonté de préserver un espace sacré devenu obsolète. Les chercheurs y ont découvert vingt-trois artéfacts (tubes, cuillères, etc.) sculptés dans des os d’animaux et des coquillages. En effectuant des analyses chimiques et microscopiques, ils ont identifié six objets renfermant des traces de nicotine provenant de parents sauvages du tabac, ainsi que de la DMT (diméthyltryptamine), puissante substance psychotrope présente dans le breuvage ayahuasca. Les artefacts contenaient également des restes de racines de Nicotiana et de graines et feuilles d’Anadenanthera colubrina (vilca, de son nom local), riches en bufoténine hallucinogène.

Le Pérou, première expérience du shoot 

Selon les chercheurs, les plantes sauvages utilisées étaient probablement séchées, grillées et réduites en poudre, puis inhalées à travers les tubes en os, qui pourraient provenir d’ailes de faucon pèlerin (Falco peregrinus). Ils pensent que l’usage des drogues se faisaient dans le cadre de pratiques rituelles et spirituelles. Toutefois, contrairement à l’usage communautaire des hallucinogènes dans d’autres cultures anciennes, ces rituels semblent n’avoir été réservés qu’à un petit groupe de privilégiés à Chavín de Huántar. En effet, les tubes à « sniffer » ont été retrouvés dans des zones à accès restreint, des chambres privées ne pouvant accueillir que peu de personnes à la fois.

Sons et sensations mêlés

Outre ces substances hallucinogènes, les sons jouaient aussi probablement un rôle central. De fait, les chercheurs ont retrouvé des trompes en conques marines qui résonnaient sûrement dans les couloirs de pierre, créant une ambiance sonore envoûtante. Couplés à la vision altérée, les effets auditifs accentuent le caractère sacré du moment. Ces expériences devaient être profondes, voire terrifiantes pour certains, en raison des performances musicales amplifiées par des passages étroits, sombres et acoustiquement travaillés.

Une élite pour diriger la société 

C’est une véritable fusion des sens et de l’âme, rendue possible par le mélange entre plantes psychotiques et sons exaltants, le tout dans une pièce restreinte uniquement accessible par des privilégiés. « Prendre des substances psychoactives n’était pas uniquement une affaire de visions. C’était une partie intégrante d’un rituel strictement contrôlé, probablement réservé à une élite, renforçant la hiérarchie sociale. », note dans un communiqué Daniel Contreras, archéologue anthropologique à l’université de Floride (États-Unis) et auteur principal de l’étude.

Le Pérou, premier modèle d’une société hiérarchisée

Ainsi, les dirigeants andins auraient utilisé les substances hallucinogènes non seulement pour leurs propres visions spirituelles ou mystiques, mais aussi pour renforcer leur autorité sur le peuple grâce notamment à leur savoir en botanique. Les scientifiques pensent que cet accès contrôlé aux drogues rituelles et aux expériences mystiques pourrait même avoir joué un rôle clé dans la formation des classes sociales, mettant fin aux sociétés égalitaires et aux empires hiérarchisés comme Tiwanaku, Wari et Inca.

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