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Alexandre Saboundjian (CEO de Winamp) : « L’IA peut révolutionner la musique, mais elle doit respecter les droits des artistes »

L’intelligence artificielle (IA) révolutionne l’industrie musicale, mais à quel prix ? Alexandre Saboundjian met en garde contre les dangers liés à l’usage de l’IA dans la création musicale. Entre opportunités technologiques et menace pour les droits d’auteur, le CEO de la plateforme Winamp plaide pour une régulation urgente afin de préserver la créativité et l’indépendance des musiciens.

Winamp est née en 1997. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez évolué jusqu’à aujourd’hui ?

Alexandre Saboundjian : À l’origine, Winamp était un simple lecteur multimédia pour lire des fichiers audio sur ordinateur. Aujourd’hui, nous avons évolué en une plateforme complète pour les artistes. Nous leur proposons des outils pour gérer leurs droits d’auteurs et leurs autres revenus (comme la vente de licence commerciale de leur musique), suivre leurs performances sur les réseaux sociaux et mieux comprendre l’utilisation de leur musique grâce à des statistiques détaillées.

Les artistes contrôlent leur musique tout en offrant un lecteur qui propose une expérience d’écoute optimale et personnalisée aux auditeurs. Les artistes profitent aussi d’abonnements directs avec leurs fans. Nous répondons donc aux besoins des créateurs comme des auditeurs.

Les plateformes numériques, qui devraient pourtant permettre aux artistes de s’émanciper, semblent finalement les enfermer dans un modèle dépendant. Qu’en pensez-vous ?

A.S : C’est exactement ça. Le digital devrait offrir une plus grande liberté aux créateurs, mais aujourd’hui, les artistes restent dépendants des plateformes de diffusion. Ils perdent le contrôle : ils ne fixent pas les prix, ne décident pas où leur musique est diffusée, ni même quand elle est accessible.

Cette perte de pouvoir est problématique. Il est essentiel de leur donner des outils pour devenir plus indépendants et reprendre la maîtrise de leur carrière et de leurs revenus. C’est tout l’enjeu de Winamp.

L’IA transforme de nombreux secteurs, dont la musique. Comment voyez-vous son impact ?

A.S : L’IA est une avancée majeure qu’il ne faut pas ignorer. Elle a le potentiel d’aider les créateurs en accélérant certains processus, en générant des idées ou en simplifiant la production. Avant, enregistrer un morceau nécessitait un studio coûteux et une présence physique. Aujourd’hui, avec la technologie, tout le monde peut produire de la musique de qualité depuis sa chambre.

Mais cette révolution technologique présente aussi des dangers ?

A.S : Absolument. L’IA peut générer des morceaux en s’inspirant de données existantes, ce qui soulève des questions importantes sur les droits d’auteur. Si une IA utilise la chanson d’un artiste pour créer une nouvelle œuvre, cet artiste doit percevoir une rémunération. Aujourd’hui, rien n’est structuré à ce sujet, et cela peut devenir une forme de vol.

L’IA peut révolutionner la musique, mais elle doit respecter les droits des artistes. Le problème, c’est qu’actuellement les artistes ne fixent ni les règles ni les conditions de l’exploitation de leurs œuvres par les plateformes d’intelligence artificielle.

Est-ce techniquement possible de savoir si une IA utilise une œuvre protégée ?

A.S : Oui, c’est faisable. Les plateformes d’IA achètent des catalogues de musique pour entraîner leurs modèles. Il est donc possible de tracer quelles œuvres ont été utilisées et de répartir les revenus en fonction du pourcentage des morceaux exploités. Il faut organiser cela pour que les créateurs soient justement rémunérés.

Pensez-vous qu’il faille une intervention législative ?

A.S : Les législateurs doivent avancer rapidement sur les questions de propriété intellectuelle, de droits d’auteur et de plagiat. L’IA évolue à une vitesse folle, et si nous n’agissons pas, les artistes perdront le contrôle de leurs créations.

Regardez ce qui se passe au Royaume-Uni : le gouvernement souhaite permettre aux IA d’utiliser les musiques disponibles sur internet sans avoir à respecter les règles actuelles de droit d’auteur. Paul McCartney a dénoncé cette mesure, et il a raison.

Quelles solutions proposez-vous pour protéger les artistes ?

A.S : Il faut légiférer pour que les artistes puissent garder le contrôle sur l’utilisation de leurs œuvres par l’IA. Les mesures actuelles, comme permettre aux artistes d’interdire individuellement l’accès à leurs créations, sont inefficaces. Comment un musicien pourrait-il contacter des milliers de sociétés d’intelligence artificielle ? Ce n’est pas réaliste.

Comment voyez-vous l’avenir de l’IA dans la musique ?

A.S : Personnellement, l’IA dans la musique ne m’impressionne pas encore vis-à-vis du rendu final. Mais d’ici trois ans, cela pourrait radicalement changer. Cette technologie impacte d’ores et déjà toutes les formes d’art, comme la peinture, la littérature, la photo, le graphisme…

Le défi est de trouver un équilibre entre la créativité assistée par l’IA et le respect des droits des créateurs. Si nous y parvenons, ce sera une révolution positive. Mais il faut agir vite.

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