Dans le monde entier, sept personnes ont été déclarées probablement guéries ou en rémission durable de l’infection par le VIH. Six d’entre elles ont reçu une greffe de moelle porteuse de la mutation CCR5 delta 32, pour le traitement d’un cancer du sang. Mais en Suisse, le cas de Romuald est quelque peu différent. Ce patient a subi une greffe de moelle osseuse non porteuse d’une mutation génétique.
A ce jour, sept personnes sont déclarées probablement guéries ou en rémission durable de l’infection par le VIH. Ces patients ont été traités à Berlin (2), Düsseldorf, Londres, New York, City of Hope et Genève. Ils ont tous reçu une greffe de moelle porteuse de la mutation CCR5 delta 32, pour le traitement d’un cancer du sang. Cette mutation génétique rend les cellules naturellement résistantes au VIH.
Une découverte publiée dans la revue scientifique Nature Medicine
Mais le sixième patient (il y a eu un après lui), suivi aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), est le premier à connaître une rémission durable de l’infection après une greffe de moelle osseuse non porteuse de la mutation génétique CCR5 delta 32. Cette découverte a été publiée dans la revue scientifique Nature Medicine. Elle a été menée par la Pre Alexandra Calmy, médecin adjointe agrégée, responsable de l’Unité VIH du service des maladies infectieuses aux HUG, et par le Pr Asier Sáez-Cirión, responsable de l’unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur (Paris).
Une diminution drastique des cellules qui portaient le VIH après la greffe en 2018
Ce patient de Genève s’appelle Romuald. Il vit avec le VIH depuis le début des années 1990 et a toujours suivi un traitement antirétroviral. En 2018, pour traiter une forme particulièrement agressive de leucémie, les HUG l’avaient soumis à une greffe de cellules souches. Un mois après cette intervention, les médecins ont remarqué que les cellules sanguines du patient avaient été entièrement remplacées par celles du donneur. Il y a eu une diminution drastique des cellules qui portaient le VIH. Compte tenu des résultats, l’équipe médicale a progressivement allégé le traitement antirétroviral, avant de l’arrêter définitivement en novembre 2021.
Aucune particule virale détectée pendant les 20 mois de suivi
Les analyses réalisées pendant les 20 mois qui ont suivi l’arrêt du traitement ont permis de constater la disparition totale des particules virales. Aussi, il n’y avait ni réservoir viral activable, ni augmentation des réponses immunitaires contre le virus dans l’organisme de Romuald. Si ces preuves n’excluent pas que le VIH persiste dans le corps du patient, l’équipe scientifique note qu’il s’agit tout de même d’un cas unique de rémission de l’infection par le VIH.
Plusieurs hypothèses émises sur cette rémission unique
Pour expliquer ce « miracle », les chercheurs suisses avancent plusieurs hypothèses. L’une des plus probables est que « la présence de cellules de l’immunité innée à fort potentiel anti VIH pourrait contrer l’éventuel rebond du virus à partir des quelques cellules infectées, encore dans l’organisme » explique les médecins. Il y a aussi la possibilité que le traitement immunomodulateur reçu par ce patient pour contrôler les réactions greffon contre hôte ait contribué à éviter la réactivation virale.
Vers l’élaboration de traitements curatifs du VIH ?
Finalement, ces réactions greffon contre hôte pourraient avoir mené à une élimination tellement efficace du réservoir viral qu’il n’y a plus besoin introduire la mutation CCR5 delta 32. En effet, plus aucun virus capable de se multiplier ne resterait dans l’organisme. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives dans la recherche sur la rémission du VIH, ainsi que pour l’élaboration de traitements curatifs du VIH. « Nous explorons avec cette situation singulière des voies nouvelles dans l’espoir que la rémission, voire la guérison du VIH ne soit plus un événement exceptionnel », a déclaré l’équipe médicale.