En attendant de vaincre la mort, la science s’attèle à ralentir le vieillissement. Des chercheurs sud-coréens annoncent avoir identifié, dans une nouvelle étude publiée en juin, la molécule responsable de ce processus qu’on croit irréversible à ce jour. Leur découverte laisse entrevoir la possibilité de concevoir, dans un futur proche, un traitement anti-âge.
Si vivre éternellement ne tente pas tout le monde, rester jeune le plus longtemps possible durant sa vie est un rêve que partagent pratiquement tous les êtres humains. Personne n’aimerait se retrouver avec la peau flétrie, les cheveux blancs, les os qui craquent et la force qui l’abandonne. Pour certains, rester jeune est devenue presqu’une obsession à tel point qu’ils y consacrent toute leur énergie, tout leur temps et tout leur argent. C’est le cas du milliardaire américain Bryan Johnson. Cet homme a mis en place un programme rigoureux appelé « Blueprint », censé ralentir le vieillissement de son corps, voire inverser le processus pour redevenir jeune. Mais le résultat laisse largement à désirer.
Le vieillissement vu comme irréversible aujourd’hui
À ce jour, le vieillissement est perçu comme un processus naturel et irréversible, à l’instar de la mort. On l’accepte comme une fatalité. Mais les scientifiques ne veulent pas s’y résoudre. Ils souhaitent mettre fin au vieillissement ou au moins le retarder le plus longtemps possible. Pour cela, ils ciblent les cellules sénescentes, connues pour sécréter des facteurs pro-inflammatoires et des molécules de signalisation ( appelés SASP ) impliqués dans la vieillesse. Ces cellules s’accumulent au fil du temps dans divers tissus, altérant leur capacité de régénération et contribuant à leur dysfonctionnement. Mais nous ignorons encore tout du mécanisme par lequel ce processus biologique (appelé inflammaging) se propage systémiquement dans le corps.
Une molécule identifiée dans le processus lié au vieillissement
Des chercheurs de l’Université de Séoul (Corée du Sud) ont récemment annoncé, dans une étude publiée dans Metabolism, avoir identifié une molécule qui pourrait bien jouer un rôle clé dans la propagation de l’inflammation et de la vitesse à laquelle nous vieillissons : HMGB1. Ils croient même pouvoir fabriquer un jour un traitement qui pourrait bloquer cette molécule. Le groupe de recherche est dirigé par le professeur Hee Jeon, du Département de médecine de convergence de la faculté de médecine de l’Université de Séoul.
Sous sa forme chimique « réduite », HMGB1 peut activer deux voies bien connues pour favoriser l’inflammation
Les scientifiques sud-coréens ont découvert que le High Mobility Group Box 1 (HMGB1), un facteur clé du phénotype sécrétoire associé à la sénescence extracellulaire (SASP), est impliqué dans la transmission de la sénescence des cellules vieillissantes aux tissus distants. Sous sa forme chimique « réduite », cette molécule peut activer deux voies bien connues pour favoriser l’inflammation : JAK/STAT et NF-κB. Elle circule dans le sang et déclenche la sénescence dans divers types de tissus humains, comme les fibroblastes, les cellules épithéliales rénales et les cellules musculaires squelettiques.
Des tests sur des modèles murins et des cellules humaines
Les chercheurs sud-coréens ont mené des expériences sur des souris et des cellules humaines pour démontrer l’effet de la forme chimique « réduite », ReHMGB1 sur la sénescence. Ils ont constaté que le gène extracellulaire ReHMGB1 induit fortement des marqueurs de sénescence dans plusieurs types de cellules. Chez des souris, en particulier, une simple injection de cette molécule a suffi pour provoquer en quelques jours des signes clairs de vieillissement : inflammation, affaiblissement musculaire et ralentissement de la régénération des tissus. À l’inverse, un blocage de ce composé organique a permis aux souris âgées de mieux récupérer après une blessure et d’améliorer leur condition physique.
L’administration d’anticorps anti-HMGB1 a permis de réduire les marqueurs du vieillissement
En outre, dans un modèle de lésion musculaire chez des souris d’âge moyen, l’administration d’anticorps anti-HMGB1 a permis de réduire les marqueurs de sénescence, ainsi que de favoriser la régénération musculaire et d’améliorer les performances physiques. Sur les tissus humains, la forme réduite de HMGB1 a induit fortement des caractéristiques de sénescence, notamment sur les fibroblastes, les cellules épithéliales rénales et les cellules musculaires squelettiques. Le blocage de cette protéine a produit les mêmes effets que chez les souris.
Des résultats prometteurs pour traiter les maladies liées au vieillissement
« En bloquant cette voie, nous avons pu restaurer la capacité de régénération tissulaire, ce qui suggère une stratégie prometteuse pour traiter les maladies liées au vieillissement. », a déclaré le Professeur Hee Jeon. Avec ces résultats, son équipe ouvre des perspectives concrètes pour la médecine anti-âge. Le scientifique suggère que le ciblage thérapeutique du HMGB1 extracellulaire pourrait potentiellement limiter la propagation systémique de la sénescence et améliorer la fonction tissulaire dans le contexte du vieillissement.
Trois pistes pour un vrai traitement anti-âge
Dans le cadre d’un potentiel traitement, le Pr Jeon note que l’on pourrait utiliser plusieurs approches. Par exemple empêcher la forme réduite de HMGB1 de se fixer à son récepteur (appelé RAGE, pour Receptor for Advanced Glycation End-products), favoriser son oxydation pour la rendre inactive, ou bloquer les réactions inflammatoires qu’elle déclenche dans les cellules. Il faudra attendre pour voir si l’une de ces pistes fonctionne. En cas de succès, ce serait une grande évolution pour l’Humanité, en attendant de terrasser la mort…