Déjà proche d’être la première économie mondiale, la Chine pourrait aussi bientôt devenir la première puissance spatiale devant les États-Unis, d’ici 5 à 10 ans plus précisément. C’est ce qu’affirme un rapport d’un groupe de défense américain. Le géant asiatique serait propulsé par une politique disciplinée, des investissements stratégiques et des progrès technologiques considérables. Dans le même temps, les Américains accusent des retards, à cause notamment des coupes budgétaires que subit la NASA de la part de l’administration Trump.
Depuis le début de la conquête spatiale, dans les années 1940, les États-Unis font figure de référence dans le domaine. Ils mènent la danse, en grande partie grâce à la NASA. L’agence spatiale américaine a réussi des missions qui ont marqué l’histoire, comme le programme Apollo. Les Américains occupent également une place centrale dans la coopération scientifique mondiale, à travers des projets tels que la Station spatiale internationale (ISS) ou les télescopes Hubble et James Webb. Mais, si la concurrence se faisait hier avec l’URSS ou la Russie, elle se joue aujourd’hui avec la Chine, qui veut également piquer à l’Oncle Sam sa place de première économie mondiale.
Les États-Unis perdent leur monopole dans l’espace
Selon un rapport publié par la Commercial Space Federation (CSF), une organisation américaine dédiée à l’industrie spatiale commerciale, la Chine pourrait bientôt détrôner les États-Unis si elle continue sur son rythme actuel dans les projets de conquête spatiale. « La Chine ne se contente pas de rattraper son retard : elle impose le rythme, déréglemente et, parfois, redéfinit le leadership sur Terre et au-dessus de la Terre », affirme la CSF dans un document de 112 pages. Ce rapport suscite des inquiétudes chez les experts américains d’autant que l’administration Trump, encore en place pour quatre ans au moins, n’est pas très portée sur la science.
La Chine, nouveau mastodonte technologique
Puissance technologique mineure, voire quasi nulle, au moment des missions Apollo, la Chine est devenue un mastodonte de l’espace depuis le début des années 2000, après avoir été moquée pour ses nombreux ratés. Son programme spatial a connu une expansion rapide grâce à des ressources financières, techniques et humaines considérables. Dans son rapport, la Commercial Space Federation détaille la montée en puissance des infrastructures spatiales chinoises et les progrès notables dans l’exploration du système solaire au cours de la dernière décennie en particulier.
La Chine possède six spatioports
La CSF note dans un premier temps que la Chine dispose désormais de six spatioports (sites de lancement) opérationnels et développe ses propres systèmes terrestres pour rivaliser avec SpaceX et d’autres concurrents internationaux en matière de lancement. Le géant asiatique a aussi développé des pôles régionaux à Shanghai, Pékin, Chengdu, Xi’an, Guangzhou, Jinan et ailleurs pour rassembler les chercheurs universitaires, gouvernementaux et privés. Parallèlement, il peut compter sur une douzaine de sociétés de lancement privées, dont beaucoup construisent des véhicules de moyenne capacité similaires au Falcon 9 grâce à d’importantes levées de fonds.
La Chine construit des megaconstellations de satellites
Par ailleurs, la Chine a lancé les plus vastes constellations de satellites météorologiques au monde, ainsi qu’un grand nombre de satellites d’observation terrestre et de communication. Elle prévoit désormais d’étendre son réseau avec au moins trois mégaconstellations de satellites en orbite basse, en mesure de concurrencer le système Starlink. On peut en outre noter l’existence de la station spatiale Tiangong, sur le point de devenir l’unique centre mondial d’activité en orbite terrestre basse après le retrait annoncé de la Station spatiale internationale (ISS) en 2030.
La Chine, premier pays à atterrir sur la face cachée de la Lune
Enfin, la Chine a marqué l’histoire en devenant le premier pays à atterrir sur la face cachée de la Lune, puis à en rapporter des échantillons grâce à la mission Chang’e 6. Fort de cet exploit, le pays envisage la construction d’une base lunaire habitée et alimentée par un réacteur nucléaire autonome à l’horizon 2035. Selon le rapport de la Commercial Space Federation, Pékin pourrait être le premier à renvoyer des humains sur la Lune depuis 1972, si les retards du programme Artemis de la NASA se poursuivent.
La Chine investit massivement dans le spatial
Un dernier point clé est la volonté de l’Empire du milieu de collaborer avec d’autres États, tels que la Russie, l’Inde et le Japon. Cette ouverture lui a permis de nouer plus de 80 projets spatiaux internationaux, affaiblissant ainsi la domination américaine dans ce secteur. Le plus frappant, note le document de la CSF, c’est que les réalisations chinoises se font en même temps. « La Chine vit simultanément les ères d’Apollo, de l’ISS et de l’espace commercial », commente l’organisme européen.
Ces progrès tous azimuts reposent sur la discipline, un fort sentiment patriotique, un développement technologique rapide et surtout des investissements toujours plus considérables, notent les auteurs. Le rapport relève que l’investissement annuel de la Chine dans l’activité spatiale commerciale est passé de 164 millions de dollars en 2016 à 2,86 milliards de dollars l’année dernière. Soit une multiplication par environ 17 en moins de dix ans.
Donald Trump pourrait handicaper les États-Unis
Dans le même temps, les États-Unis voient leurs ambitions spatiales entravées par les récentes décisions de l’administration Trump. Washington souhaite réduire drastiquement le budget de la NASA, ce qui menace des programmes à long terme comme le retour d’échantillons prélevés par le rover martien Perseverance. Aux politiques anti science, il faut ajouter les échecs répétés de Starship, la fusée expérimentale développée par SpaceX. Ce programme privé d’Elon Musk permet toutefois aux États-Unis de tenir un peu la cadence face aux Chinois grâce à ses lancements réguliers. Mais il va falloir faire plus que ça pour maintenir l’avance des Américains dans l’espace.
Les États-Unis doivent éviter les batailles budgétaires pour rester les premiers
« Les États-Unis sont encore en avance dans de nombreux domaines spatiaux », a déclaré Dave Cavossa, président de la Commercial Space Federation. Cependant, note-t-il, « les Chinois progressent très vite et sont sur le point de nous dépasser dans les cinq à dix prochaines années si nous n’agissons pas ». Étant donné que Pékin continuera d’investir massivement dans cette course à l’espace, l’Amérique devrait faire preuve d’« un engagement soutenu, une vigilance lucide et une volonté d’adaptation sur plusieurs décennies », recommande les experts.
Le rapport conseille principalement d’éviter les batailles budgétaires et d’investir dans les points forts des États-Unis. « A savoir le secteur spatial commercial dans lequel les capitaux privés et les idées se mélangent pour produire de nouvelles avancées et pousser l’activité économique plus loin dans l’espace », conclut le rapport.





